Il y avait des boeufs,
Il y avait des boeufs, des boeufs vastes et lourds
Qui traînaient dans leur corps les peines de leur vie ...
Il y avait des boeufs et des chevaux penchés,
Raidis par le labeur au fond des terres noires ...
Il y avait aussi des hommes et des femmes,
Par groupes, se mouvant, se mêlant sur la glèbe:
Et tous, d'un même effort, les bêtes et les gens
Luttaient ensemble.
Tous avaient grand effort car la terre était dure,
La terre se tassait au fond du soir d'automne
Compacte et noire comme les siècles ....
Et les hommes avec leurs mains, leurs reins pensants,
Et les chevaux, les boeufs avec leurs grands corps lourds,
Creusaient, soulevaient, déchiraient la terre:
La terre, la dure matière
Qu'il faut pétrir sans fin toute la vie ....
Tous avaient grand effort dans leurs muscles, leur chair,
Et tous les mouvements qu'ils imposaient au monde
S'arrachaient lents et profonds de leur corps ....
Tous avaient grand effort et tous portaient en eux
La dure loi de la nécessité.
Et moi qui étais là, ployé parmi mes frères,
Moi qui portais aussi la peine de la vie,
Je sentais se lier, s'enchaîner nos efforts,
Et se lier aussi nos efforts et nos peines
Aux gestes accomplis dans tous les soirs d'automne,
Aux mouvements que font, là-bas, dans d'autres plaines,
D'autres corps ployés par le même destin ....
Et je sentais aussi qu'il fallait nous aimer,
Nous chercher, nous unir, nous aimer
Comme on n'a pas encore aimé ......
Francis ANDRE
