A quarante, on rentre plus souvent le ventre
Qui comme les potes maintenant ventripote,
Les fruits de l'enfance qui nous garnissaient l'antre,
Sous le poids du temps, sont devenus compote.
Il y a bien encore quelques fulgurances,
Encore quelques douleurs qui passent leur chemin
Mais les maux qui nous donnaient quelque assurance
Ont désormais mainmise sur nos lendemains.
Il y a bien l'avantage de l'expérience
Que l'on pourrait exploiter à bon escient
Mais dans l'ensemble, malgré nos espérances,
Nos progrès restent toujours balbutiants.
Il y a bien quelques couchers de soleil
Qui nous font oublier qu'il faut se lever,
Mais a-t-on encore l'âge de croire au sommeil
Une fois l'effet des somnifères enlevé?
Il y a bien encore des moments de grâce,
Où le temps se suspend à un fil de pêche
Et si parfois quelques matinées sont grasses,
C'est parce que les soirées ne sont plus sèches.
Il y a bien des films que l'on n'a pas vus
Mais peut-on risquer de perdre deux heures trente
Quand il nous en reste trois cent mille tout au plus
Et qu'on ne sait pas à quel point il nous tente?
Il y a bien l'amour toujours raisonnable
Qui pose lentement ses mains autour du cou,
Même si l'asphyxie s'avère plus que tenable
Puisqu'elle ne nous emporte pas sur le coup.
Il y a bien l'ombre d'une certaine fierté
Quand des yeux d'enfant viennent tirer leur confiance
Au puits de notre attention déconcertée
Par un corps qui ressemble au nôtre et qui danse.
Il y a bien la pompe dans notre poitrail
Qui rappelle que chaque battement vaut de l'or
Et cette urgence qui murmure dans nos entrailles
Que notre chapitre va bientôt se clore.