Chanteclair C'était bien le vrai coq gaulois, A l'oeil rouge, à la crête altière, Avec des ergots de trois doigts, Dont il labourait la poussière, Et les chairs aussi quelquefois. Il avait une voix sonore Aussi puissante qu'un clairon, Qui remplissait, avant l'aurore, Le ferme, où tout dormait encore, Depuis le chien jusqu'au patron. Alors il se levait, superbe, Lustrait son panache vermeil, Son cou doré comme une gerbe, Puis menait ses poules dans l'herbe Avant le lever du soleil. Et comme il faisait sentinelle, Dressé sur ses ergots de fer ! Jamais, quand il battait de l'aile, Il n'aurait fermé sa prunelle, Ce petit-fils de Chanteclair ! Il déjouait toutes les ruses De maître renard l'aigrefin, Et quelquefois, surpris soudain, Il se battait contre les buses Et restait maître du terrain. Et quels airs de tranche-montagne, Quels Te Deum à son retour ! Jamais, en revenant d'Espagne, Les paladins de Charlemagne N'ont autant corné sur l'Adour. Aussi pour payer sa victoire, Si la fermière à pleine main Versait le mil en sa mangeoire, Il trouvait le prix dérisoire, Et n'en daignait toucher un grain. Regardant picorer ses femmes, Il se tenait droit sur le seuil; Deux feux éclataient dans son oeil, Et sur son cou, comme des larmes, Ses plumes se dressaient d'orgueil. Il déroulait un monologue Emaillé de plus d'un juron, Et se récriait d'un ton rogue, Si le chat noir ou si le dogue Trop près de lui tournaient en rond. Au demeurant, tendre et fidèle, Malgré ses airs de capitan, Autant que peut l'être un sultan; Aimant ses femmes pêle-mêle, Surtout, jamais ne les batant. François Fabié
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